Le Croissant Crumbles
- Waadl Cartoonist
- Jun 15, 2024
- 12 min read
Updated: Nov 6, 2024
Drawn in English on June 13, 2024 | Dessiné en anglais le 13 Juin, 2024
Published in French from Miami | Publié en français à Miami
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VERSION FRANÇAISE Il est dit que les dernières braises de Kulturkampf (1871-1887), la réforme Protestante du monde Germanophone orchestré par le monolithe prussien Otto Von Bismarck, l’auraient poussé à conclure que l’influence juive était plus importante en France qu'en Allemagne, et que, par conséquent, l’antisémitisme y serait d’autant plus fort. Ce sentiment, sans doute une réaction plutôt realpolitik aux efforts réfractaires de ses adversaires Catholiques dans l'hexagone [1], aurait également été partagé par les Juifs allemands vers la fin du XIXe siècle [2], et concrétisé par des polémiques de calibre égal à celui de l’affaire Dreyfus (1894-1906). Avec un peu de recul, le pays d’origine et la séquence des ravages à venir dans la première moitié du XXe siècle auraient probablement été bouleversants pour eux. C’est vrai qu’à posteriori tout est toujours plus clair, mais cette observation nous avertit de nombreux dangers, notamment celui de la complaisance ; une triste leçon aussi pertinente à contempler en 2024 qu’un siècle plus tôt.
« C’est un crime d’empoisonner les petits et les humbles, d’exaspérer les passions de réaction et d’intolérance, en s’abritant derrière l’odieux antisémitisme, dont la grande France libérale des droits de l’homme mourra, si elle n’en est pas guérie. »
— Emile Zola, dans sa lettre J’accuse au Président de La République Félix Faure, 1898.
Aujourd’hui, le même manque de conscience de soi a obscurci notre vision. Nous voici encore et toujours victimes de ce phénomène laxiste qui entrave une introspection honnête. Un pas en avant pour deux pas en arrière. Soyez prévenu, si le résultat de l’élection européenne du 9 Juin traverse le cerveau sans alarmes, il est peut-être temps de contextualiser la situation.
Cela dit, j’ose quand même essuyer une préface au paillasson avant d’entrer dans une brève analyse qui risquerait de déclencher des crachats incontrôlables d’exagérations boueuses. Voici donc un avertissement dépoussiéré : les gens ont totalement disjoncté, nous sommes devenus les proies du révisionnisme et cela risque de nous coûter très cher ! Sauv’ ki peu !
Il y a une guerre en Europe et le nationalisme en profite. Le continent souffre : le coût de la vie augmente, les problèmes liés à l'immigration sont à la une, l’impact d’un climat qui se dérègle affecte le blé et l’élevage, et l'incompatibilité entre les écritures de certaines religions et la laïcité agite les esprits qui dominent les débats. Est-il alors surprenant que les résultats radicaux de cette élection parlementaire [3] reflètent une population en colère ? Le choix des électeurs semble indiquer un soutien croissant au démantèlement — sous diverses formes — de l’Union Européenne, ainsi qu'une révision de la politique des frontières, et une dévolution vers des doctrines religieuses qui servaient de lois aux VIe siècle. Que ce soit des anarcho-capitalistes, des communistes ou des nationalistes, ce programme d'action, tissé principalement par des groupes extrémistes, est une recette pour des catastrophes dystopiques. (Le paillasson n’a servi à rien, je n’ai pas tenu un paragraphe !)
En plus du malheur et de cette tristesse, une influence extérieure particulièrement féroce semble exercer un pouvoir de persuasion considérable. Je fais référence au fait qu'une grande portion des partis nationalistes reçoit un financement russe. En effet, depuis 2014, dû en partie à la disposition détendue des pays européens tels que l’Allemagne avec son gaz, le Royaume-Uni avec ses banques, et la France avec son pacifisme, le Front National — aujourd'hui rebaptisé Rassemblement National — aurait largement profité d’un soutien aux arômes roubleux [4]. Heureusement, il semblerait que la générosité du Kremlin non liée aux cryptomonnaies se soit virtuellement interrompue assez brusquement en 2022, pile au moment où le conflit en Ukraine aurait repris.
Désormais, si la Russie poursuit sa guerre, elle pourrait rencontrer des difficultés pour remplir les poches de ses collaborateurs. Premièrement, pour l’instant au moins, les régulateurs européens exercent une surveillance plus stricte des transactions afin de renforcer les sanctions internationales contre la Russie. Deuxièmement, les pays européens, ainsi que les États-Unis, sont mieux préparés à se défendre contre les tentatives de subversion géopolitique de Poutine. D’ailleurs, quoique l’extrême droite française ait remporté une lourde victoire, hormis une soudaine décision d’inverser cette position du jour au lendemain, ses homologues allemands et italiens ne sont plus très enclins à former des coalitions entre collègues droitistes au sein du Parlement Européen [5]. Un coup classique de vouloir avoir, en l'occurrence, le gâteau et l'argent du gâteau [6]. Tel qu’il est maintenant, même entre alliés, il n’y a visiblement plus d’union au bureau.
Malgré cet épisode incertain, du point de vue de la véritable menace posée par le Rassemblement National, l’équation reste relativement inchangée. Sans prétendre que les actions du créateur doivent être attribuées à la progéniture, il est impossible de négliger que le gouvernement de Marine Le Pen est une continuation de la philosophie de son père — un apologiste du gouvernement de Vichy [6]. Faut pas rêver les gars ! Ce rebranding est un peu comme une merde polie : douteusement présentable en superficiel, mais intégralement déconseillé en substance !
Le nationalisme consiste à haïr les autres pays, contrairement au patriotisme tel qu'il est généralement exprimé.
Fondamentalement, leur attitude isolationniste n’a pas énormément évolué et met en évidence l’oxymore absolu de leur idéologie protectionniste, qui nécessite pourtant une rupture avec des pactes protecteurs tels que l’Union Européenne et l’Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. C’est délicatement ironique de constater que l’outils primaire des nationalistes, la xénophobie, est en réalité totalement antithétique aux concepts propres des alliances internationales qui visent à protéger les valeurs de liberté en Occident que ces mêmes derniers belligérants extrémistes prétendent vouloir sauver à tout prix. Cependant, ils y sont élus quand même.
Dans ce XXIe siècle, il y a encore des Tchèques qui parlent allemand, des Belges qui parlent français, des Serbes en Croatie, des Roumains en Hongrie, et des Polonais russophones. Pas besoin d’être incollable en histoire-géo pour comprendre le rôle de cette mosaïque face aux Lebensraum quelconque. En considérant les ambitions expansionnistes de Poutine à l’Est, ses machinations dans l’Ouest, et en appliquant cette tapisserie multiculturelle à la rhétorique des mouvements nationalistes, n’est-il pas naturellement concevable d’envisager un nouveau conflit des langues, des conquêtes de nations, des tensions religieuses accrues, et, oui, même une troisième Guerre mondiale en Europe ?

Comme l'illustre notre dessin, le dictateur russe, bavoir à la gorge, s'apprête à découper un gâteau de mariage en tranches suspicieusement mesurées pour servir une table de confrères qui partagent le même goût pour le parfum Molotov-Ribbentrop. En fin de compte, sans d’UE ou d’OTAN, c’est la lacération du continent, une course à la fragmentation qui entraînerait une guerre des frontières semblables à celle qui écume actuellement en Ukraine. Voici la fève du nationalisme — la guerre. En comptant celle de 1870, les grandes guerres ne nous ont-elles pas déjà suffi ?
Finalement, revenons à l’élection européenne et à son impact en France. L’acte suivant de cette maudite pièce de théâtre est la dissolution de l’Assemblée Nationale initiée par le gouvernement d’Emmanuel Macron [7].
Nous redoutons l’extrémisme, mais nous ne nous en méfions plus.
Dit autrement, ce geste du Président de La République est un coup de poker peut être nécessaire, mais surtout imprudent ; similaire au regret du Royaume-Uni après le Brexit et à celui de l’Allemagne vis-à-vis de sa codépendance sur Nord Stream par la suite. Ignorer les problèmes des voisins ne fait que garantir la même chose chez soi.
Sur l’ensemble, au-delà de ce vote législatif, la France se trouve confrontée à un référendum continuel qui pourrait renforcer un axe extrémiste comme jamais depuis la Seconde Guerre mondiale. Un mouvement populiste soutenu par une complaisance culturelle où même ses victimes seraient complices dans leurs crimes [8]. Devrions-nous vraiment prétendre que cette situation soit un saut dans l'inconnu, alors que nous avions déjà subi ses conséquences il y a 80 ans ?
Bref, je mangerais bien un peu de gâteau pour calmer mes nerfs.

ENGLISH VERSION
Story goes that the final embers of Kulturkampf (1871-1887), the Protestant reformation of the German-speaking world orchestrated by the Prussian monolith Otto Von Bismarck, led him to conclude that Jewish influence was more significant in France than in Germany, and that consequently, anti-Semitism would be stronger there. This sentiment, undoubtedly a rather realpolitik reaction to the agitational efforts of his Catholic adversaries West of the Rhine [1], was also shared by German Jews towards the end of the 19th century [2] and substantiated through controversies equal in magnitude to the Dreyfus affair (1894-1906). In hindsight, the fact that the sequence of devastations to strike Europe in the first half of the 20th century originated from Bismarck's homeland would likely have shocked anyone living in his time. Hindsight is 20/20, but this observation warns us of many dangers, especially complacency; a sad lesson as relevant to consider in 2024 as it was a century ago.
“It is a crime to poison the minds of the meek and the humble, to stoke the passions of reactionism and intolerance, by appealing to that odious antiSemitism that, unchecked, will destroy the freedom-loving France of Human Rights.”
— Emile Zola, in his letter J’accuse to the President of the French Republic Félix Faure, 1898.
Nowadays, the same lack of self-awareness clouds our vision, trapping us once again in a fog that blurs honest introspection. It’s one step forward, two steps back. Be warned: if the results of the June 9 European election don’t set off alarms in your mind, it’s time to take a hard look at the context.
That said, let me wipe a quick preface on the doormat before diving into a brief analysis likely to provoke bursts of messy exaggeration. Here’s a well-worn warning: people have completely lost their minds, we’ve fallen prey to revisionism, and this could cost us dearly! Save yourselves!
Europe is at war, and nationalism is seizing the opportunity. The continent is hurting: the cost of living is climbing, immigration dominates the headlines, a destabilized climate threatens agriculture, and religious-secular clashes fuel fiery debates. Is it any wonder the radical results of this election [3] reflect a population seething with anger? Voters are signaling growing support for dismantling the European Union, tightening border policies, and returning to religious doctrines that held sway back in the 6th century. Be they anarcho-capitalists, communists, or nationalists, these initiatives — stitched together largely by extremist groups — promise a future of dystopian disasters. (So much for the doormat; I couldn’t hold back for even a single paragraph!)
Adding to the misfortune is a particularly fierce outside influence wielding persuasive power. I refer to the Russian funding flowing to nationalist parties. Since 2014, thanks in part to Europe’s leniency — Germany with its gas, the UK with its banks, and France with its pacifism — the National Front, now National Rally, has thrived on ruble-scented support [4]. Fortunately, Kremlin-backed generosity, excluding cryptocurrency, came to a sudden halt in 2022 as the conflict in Ukraine rekindled.
Today, were Russia to continue its war, it might struggle to keep its collaborators well-funded. For one, European regulators have tightened transaction oversight to strengthen international sanctions against Russia. Secondly, Europe and the United States are more prepared to counter Putin’s geopolitical subversion. And although the French far-right saw a significant victory, their German and Italian counterparts are now less inclined to ally in the European Parliament [5]. A classic case of wanting their cake and eating it too [6]. As it stands, even among allies, it seems there’s no unity at the office.
Despite this uncertain moment, the real threat from the National Rally remains relatively unchanged. Without claiming that the “sins of the father” should be pinned on the daughter, it’s impossible to ignore that Marine Le Pen’s government continues her father’s legacy—an apologist for the Vichy regime [7]. Let’s not fool ourselves! This rebranding is merely a polished turd: marginally more presentable on the surface but as unpalatable as ever in substance!
Nationalism consists of hating other countries, unlike patriotism, as it’s commonly understood.
At its core, nationalism’s isolationist stance has changed little, underscoring the oxymoronic nature of its protectionist ideology—an ideology that insists on breaking from protective pacts like the European Union and NATO. There’s a delicate irony in the fact that nationalism’s primary tool, xenophobia, clashes entirely with the principles of international alliances meant to uphold the very freedoms in the West these extremist belligerents claim to defend at all costs. And yet, they’re still elected.
Today, in the 21st century, we still find Czechs speaking German, Belgians speaking French, Serbs in Croatia, Romanians in Hungary, and Russian-speaking Poles. One hardly needs to be a scholar of history or geography to grasp the significance of this mosaic in resisting any notion of Lebensraum. Given Putin’s expansionist goals in the East, his maneuverings in the West, and applying this multicultural tapestry to the rhetoric of nationalist movements, is it not conceivable that we’re facing the prospect of a renewed conflict over languages, national conquests, heightened religious tensions—and even, perhaps, a third world war in Europe?

As our drawing illustrates, the Russian dictator, bib tied at his neck, is poised to slice a wedding cake into meticulously measured pieces to serve his colleagues—all with a shared taste for the Molotov-Ribbentrop flavor. Ultimately, without the EU or NATO, it’s a carving up of the continent, a scramble for fragmentation that would spark a border war akin to the one currently raging in Ukraine. This is the ultimate prize of nationalism—war. Haven’t the great wars, including the one in 1870, been enough?
So, turning to the European election’s impact in France, the next act in this cursed play is the dissolution of the National Assembly, set in motion by Emmanuel Macron's government [8].
We fear extremism, but we no longer keep our guard up.
In other words, this move by the President of the French Republic is a potentially necessary, yet undeniably reckless, gamble—much like the UK’s regret over Brexit or Germany’s dependence on Nord Stream. Turning a blind eye to the issues faced by neighboring countries only invites the same troubles at home.
Beyond this legislative vote, France confronts an ongoing referendum that could empower an extremist axis as we haven't seen since World War II—a populist surge fueled by cultural complacency, where even its victims may unwittingly become accomplices in their own undoing [9]. Can we honestly pretend this situation is a leap into the unknown, when we lived its dire consequences 80 years ago?
I wouldn’t mind a slice of cake to calm my nerves.
[1] Von Bismarck, O. (1899) ‘The “Culturkampf”’, in Bismarck, the man and the statesman; being the reflections and reminiscences of Otto, Prince von Bismarck. New York City, NY: Harper, pp. 137–137.
English Translation: “The therapeutic treatment of the Catholic Church in a temporal state is, however, rendered difficult by the fact that the Catholic clergy, if they desire properly to discharge what is theoretically their duty, must claim a share in the secular government extending beyond the ecclesiastical domain ; they constitute a political institution under clerical forms, and transmit to their collaborators their own conviction that for them freedom lies in dominion, and that the Church, wherever she does not rule, is justified in complaining of Diocletian-like persecution.”
French translation : « Le traitement thérapeutique de l'Église catholique dans un État temporel est toutefois rendu difficile par le fait que le clergé catholique, s'il désire remplir correctement ce qui est théoriquement son devoir, doit revendiquer une part dans le gouvernement laïque dépassant le domaine ecclésiastique ; ils constituent une institution politique sous des formes cléricales et transmettent à leurs collaborateurs la conviction que pour eux, la liberté réside dans la domination, et que l'Église, partout où elle ne règne pas, est en droit de se plaindre d'une persécution semblable à celle de Dioclétien. »
[2] « Der Antisemitismus in Frankreich », Allgemeine Zeitung des Judenthums, 62, n° 15, 15 avril 1898, pp. 169-170. https://sammlungen.ub.uni-frankfurt.de/cm/periodical/titleinfo/3228273 (Accessed 2024)
In original German: “Aber Frankreich ist das Land der Ueberraschungen, und staunend sahen wir , wie seit einigen Jahren die Anzeichen sich mehrten , daß eine Reaktion in Frankreich , die sich des Antisemitismus bediente , sich vorbereitete , wie die energische Thätigkeit des klerikalen und des sozialistischen Antisemitismus dazu gelabt war , die Gemüther gegen die Juden zu verhetzen .”
French translation : « Mais la France est le pays des surprises, et nous avons vu avec étonnement, ces dernières années, les signes se multiplier indiquant qu'une réaction en France, utilisant l'antisémitisme, se préparait ; comment l'activité énergique de l'antisémitisme clérical [Catholique] et socialiste contribuait à attiser les esprits contre les Juifs. »
English translation: “But France is the land of surprises, and in astonishment, we have seen signs multiplying in recent years that a reaction in France, utilizing anti-Semitism, was preparing itself, how the energetic activity of clerical [Catholic] and socialist anti-Semitism was inciting minds against the Jews.”
[3] [@europarl] (2024) Accueil: Résultats des élections Européennes 2024: Union européenne: Parlement Européen, Résultats des élections européennes 2024. Available at: https://results.elections.europa.eu/fr/ (Accessed: 13 June 2024).
[4] Motet, L. (2016) Visites, financement : Le front national et la russie, une idylle qui dure, Le Monde.fr. Available at: https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/11/18/le-front-national-et-la-russie-une-idylle-qui-dure_5033857_4355770.html (Accessed: 2024).
[5] Norman, L. (2024) ‘Right Wing Is Split Over How To Reshape Europe’, Wall Street Journal, 6 June, pp. A7–A7.F
[6] Ip, G. (2024) ‘Why Far Right Won’t Spark a Euro Crisis’, Wall Street Journal, 21 June, pp. A2–A2.
"The far right might want a different path from the rest of Europe, but its freedom is limited if it wants to keep the euro. And voters clearly do."
[7] France 24 (2018) France’s Jean-Marie Le Pen Defends Vichy leader in memoirs, France 24. Available at: https://www.france24.com/en/20180220-frances-jean-marie-le-pen-defends-vichy-leader-memoirs (Accessed: 2024).
[8] Leali, G., Camut, N. and Wax, E. (2024) Macron gambles on snap election to fight far-right surge, POLITICO. Available at: https://www.politico.eu/article/eu-european-election-results-2024-emmanuel-macron-dissolve-parliament-france/ (Accessed: 2024).
[9] Dalton, M. and Bisserbe, N. (2024) France’s Jews consider the unthinkable: Voting for a party with an antisemitic past, Wall Street Journal. Available at: https://www.wsj.com/world/europe/frances-jews-consider-the-unthinkable-voting-for-a-party-with-an-antisemitic-past-765d235e (Accessed: 21 June 2024).